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,La
mesure avait été annoncée deux semaines plus tôt, le 24
février, quelques heures avant le dîner annuel du Conseil
représentatif des institutions juives de France (CRIF), par le
ministre de l'intérieur, Gérald Darmanin.
Les
associations mises en cause, le Collectif Palestine Vaincra et le
Comité ActionPalestine, deux petites structures implantées dans
le sud de la France qui professent un antisionisme radical, sont
accusées d'appeler à « la haine, à la violence et à la
discrimination » .
Par
la voix de leurs avocats, elles entendent contester l'ordre de
fermeture les visant, qu'elles apparentent à une remise en cause
de la liberté d'expression. « C'est une manoeuvre politique
abjecte, qui instrumentalise la lutte contre l'antisémitisme, qui
est un combat nécessaire, au même titre que la lutte contre tous
les racismes, pour réduire au silence les opposants au
gouvernement israélien » , clame Tom Martin, un trentenaire sans
emploi qui est le principal responsable du Collectif Palestine
Vaincra. « Cela fait plusieurs années qu'il y a la tentation de
criminaliser l'antisionisme, et Macron est passé à l'action,
pour des raisons électoralistes entre autres » , soutient Tayeb
Al-Mestari, un fonctionnaire de 56 ans, président du Comité
Action Palestine.
Le
Collectif Palestine Vaincra, créé en 2019 à Toulouse, comptait
avant sa dissolution une dizaine de membres actifs, dont l'une des
principales activités consistait à tenir un stand d'information
dans le centre-ville. Clairement marqué à l'extrême gauche, il
ne fait pas mystère de ses sympathies pour le Front populaire de
libération de la Palestine (FPLP). Cette petite organisation
combinant nationalisme arabe et marxisme est classée terroriste
par l'Union européenne un legs de ses détournements d'avion des
années 1970. Mais depuis la fin de la seconde Intifada
(2000-2005), elle est surtout active au sein de la société
civile palestinienne.
«
Etat juif nazi »
Le
Comité Action Palestine, a, de son côté, émergé en 2004, à
Bordeaux, d'une rupture avec une association plus au centre de la
galaxie propalestinienne française, Palestine 33. D'une taille
très modeste lui aussi, il se positionne en puriste de la cause,
volontiers critique de tous ceux qui ne partagent pas sa ligne.
L'une comme l'autre de ces deux associations militent pour la
création d'un Etat unique, démocratique et multiconfessionnel
entre la mer Méditerranée et le fleuve Jourdain, et soutiennent
la résistance palestinienne sous toutes ses formes, y compris
armée. Outre ce positionnement, les décrets de dissolution leur
reprochent une série de propos particulièrement véhéments,
relevés sur leur site Internet et les réseaux sociaux.
Dans
un texte publié sur la page Facebook du Comité Action Palestine
en 2021, Israël se trouve qualifié « d'Etat juif nazi » , de
« petit Etat qui ressemble à un abcès » et « d'excroissance
maligne qu'il faut arracher du monde » . Concernant le Collectif
Palestine Vaincra, les autorités françaises dénoncent un manque
de modération des débats sur ses sites, faisant apparaître,
selon le décret, des « commentaires antisémites » : «
Terroristes sionistes nazis impunis » , « les colons juifs se
prennent pour la Gestapo » , « ce sera à notre tour de les
crever ces chiens » .
Les
deux associations récusent toute dérive antisémite. Le
Collectif Palestine Vaincra, qui soutient que certains des propos
épinglés par le décret ont été effectivement supprimés,
s'est joint, en 2021, à un hommage rendu par des formations de
gauche toulousaines aux victimes de Mohammed Merah, tuées en 2012
devant l'école juive Ozar Hatorah de la Ville rose. « Les termes
employés par le Comité Action Palestine sont proportionnés à
la gravité des atteintes aux droits fondamentaux des Palestiniens
» , soutient Me Vincent Brengarth, dans le référé-liberté
qu'il a introduit au nom de l'association. A l'appui de sa
démonstration, il cite les récents rapports, signés d'Amnesty
International, de Human Rights Watch et de l'ONU, qui qualifient
d' « apartheid » la situation en Israël ainsi que dans les
territoires occupés. Après l'audience de mardi, le Conseil
d'Etat disposera de deux ou trois jours pour décider de confirmer
ou de suspendre les décrets de dissolution.
Benjamin
Barthe Le Monde du 26 avril 2022
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