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Deux comités pro-Palestine

contestent leur dissolution

   

31/01/2022

ADNA Alsace

Le Conseil d'Etat promet d'être, mardi 26 avril, le théâtre d'un débat très pointu sur le conflit israélo-palestinien et la phraséologie enflammée qu'il suscite parfois. La plus haute juridiction administrative doit se pencher sur le recours déposé par deux associations propalestiniennes contre la dissolution dont elles ont fait l'objet, à la suite d'un décret pris en conseil des ministres, le 9 mars. 

,La mesure avait été annoncée deux semaines plus tôt, le 24 février, quelques heures avant le dîner annuel du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), par le ministre de l'intérieur, Gérald Darmanin.

Les associations mises en cause, le Collectif Palestine Vaincra et le Comité ActionPalestine, deux petites structures implantées dans le sud de la France qui professent un antisionisme radical, sont accusées d'appeler à « la haine, à la violence et à la discrimination » .

Par la voix de leurs avocats, elles entendent contester l'ordre de fermeture les visant, qu'elles apparentent à une remise en cause de la liberté d'expression. « C'est une manoeuvre politique abjecte, qui instrumentalise la lutte contre l'antisémitisme, qui est un combat nécessaire, au même titre que la lutte contre tous les racismes, pour réduire au silence les opposants au gouvernement israélien » , clame Tom Martin, un trentenaire sans emploi qui est le principal responsable du Collectif Palestine Vaincra. « Cela fait plusieurs années qu'il y a la tentation de criminaliser l'antisionisme, et Macron est passé à l'action, pour des raisons électoralistes entre autres » , soutient Tayeb Al-Mestari, un fonctionnaire de 56 ans, président du Comité Action Palestine.

Le Collectif Palestine Vaincra, créé en 2019 à Toulouse, comptait avant sa dissolution une dizaine de membres actifs, dont l'une des principales activités consistait à tenir un stand d'information dans le centre-ville. Clairement marqué à l'extrême gauche, il ne fait pas mystère de ses sympathies pour le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP). Cette petite organisation combinant nationalisme arabe et marxisme est classée terroriste par l'Union européenne un legs de ses détournements d'avion des années 1970. Mais depuis la fin de la seconde Intifada (2000-2005), elle est surtout active au sein de la société civile palestinienne.

« Etat juif nazi »

Le Comité Action Palestine, a, de son côté, émergé en 2004, à Bordeaux, d'une rupture avec une association plus au centre de la galaxie propalestinienne française, Palestine 33. D'une taille très modeste lui aussi, il se positionne en puriste de la cause, volontiers critique de tous ceux qui ne partagent pas sa ligne. L'une comme l'autre de ces deux associations militent pour la création d'un Etat unique, démocratique et multiconfessionnel entre la mer Méditerranée et le fleuve Jourdain, et soutiennent la résistance palestinienne sous toutes ses formes, y compris armée. Outre ce positionnement, les décrets de dissolution leur reprochent une série de propos particulièrement véhéments, relevés sur leur site Internet et les réseaux sociaux.

Dans un texte publié sur la page Facebook du Comité Action Palestine en 2021, Israël se trouve qualifié « d'Etat juif nazi » , de « petit Etat qui ressemble à un abcès » et « d'excroissance maligne qu'il faut arracher du monde » . Concernant le Collectif Palestine Vaincra, les autorités françaises dénoncent un manque de modération des débats sur ses sites, faisant apparaître, selon le décret, des « commentaires antisémites » : « Terroristes sionistes nazis impunis » , « les colons juifs se prennent pour la Gestapo » , « ce sera à notre tour de les crever ces chiens » .

Les deux associations récusent toute dérive antisémite. Le Collectif Palestine Vaincra, qui soutient que certains des propos épinglés par le décret ont été effectivement supprimés, s'est joint, en 2021, à un hommage rendu par des formations de gauche toulousaines aux victimes de Mohammed Merah, tuées en 2012 devant l'école juive Ozar Hatorah de la Ville rose. « Les termes employés par le Comité Action Palestine sont proportionnés à la gravité des atteintes aux droits fondamentaux des Palestiniens » , soutient Me Vincent Brengarth, dans le référé-liberté qu'il a introduit au nom de l'association. A l'appui de sa démonstration, il cite les récents rapports, signés d'Amnesty International, de Human Rights Watch et de l'ONU, qui qualifient d' « apartheid » la situation en Israël ainsi que dans les territoires occupés. Après l'audience de mardi, le Conseil d'Etat disposera de deux ou trois jours pour décider de confirmer ou de suspendre les décrets de dissolution.

Benjamin Barthe Le Monde du 26 avril 2022