Parmi toutes les formes que prend la complicité
avec la politique criminelle de l'État d'Israël en
Palestine, il en est une qui est particulièrement inacceptable :
la participation de très nombreux binationaux franco-israéliens,
hommes et femmes, qui effectuent leur service militaire dans l'armée
israélienne d'occupation et peuvent donc être directement
impliqués dans des opérations militaires dans le contexte de
politique d'apartheid, de colonisation, de répression systématique.
Depuis de nombreuses années des milliers de citoyens
binationaux franco - israéliens, voire français, servent
ainsi dans l'armée d'occupation d'Israël. En France-même de
nombreuses associations de promotion de recrutement pour le
service militaire dans l'armée israélienne sont actives et
reconnues par nos autorités publiques.
De nombreux États coopèrent également avec cette armée et
fournissent des
soldats pour des périodes de service militaire ; la France
occupe une place de premier plan parmi eux mais son gouvernement
est étrangement silencieux et nombre de colons en Palestine.
Ces
binationaux français
qui effectuent leur service militaire dans l'armée israélienne
Accusée régulièrement de crimes de guerre, voire de
crimes contre l'humanité, cette armée « couvre »,
voire participe directement, aux exactions liées à la
colonisation (662 000 colons, dont 12 000 Français,
selon les chiffres 2020 repris par la Plateforme des ONG
pour la Palestine et les données de l'ONG israélienne B'Tselem
avec un taux de croissance estimé de ces peuplements de 68 % sur
la période récente). Elle est souvent impliquée dans les
violences de colons contre les Palestiniens de tous âges. Il faut
rappeler que le système judiciaire d’exception dont relèvent
les Palestiniens des Territoires occupés dépend directement de
l’autorité légale du commandement militaire israélien depuis
la « proclamation militaire numéro 1 du 7 juin 1967 » ;
ce régime d’exception ne se caractérise pas par sa rigueur
envers les pratiques de terrain de l’armée d’occupation…
Il n’est pas nécessaire de rappeler les bombardements et
la mort de milliers de civils dans la bande de Gaza, ni
l’utilisation de munitions interdites par les conventions
internationales par les snippers de l’armée israélienne.
Désormais, même la frontière entre armée régulière et
milices armées de colons violents peut s'effacer dans la contexte
des violences des colons en progression constante.
Des citoyens français effectuant leur service militaire en
Israël sont donc susceptibles de participer à toutes les opérations
de l'armée israélienne, en particulier dans les Territoires
occupés et à Gaza (en 2014, l'un d'eux a d'ailleurs été tué
à Gaza) .
Ils peuvent y servir dans des unités combattantes, voire
des unités d'élite.
Pour les Françaises et les Français, il existe deux manières
de servir dans l'armée israélienne :
-
celles et ceux d'origine juive, qui,
ayant fait leur Alya sont venus s'installer en Israël
en obtenant de ce fait la nationalité israélienne tout en
conservant leur nationalité française, doivent effectuer un
service militaire obligatoire d'une durée de 3 ans pour les
garçons et de deux ans pour les filles. Elles et ils sont
donc binationaux et constituent la très grande majorité des
cas.
-
des Françaises et Français résidant
en France, qu'ils soient ou non d'origine juive, peuvent également
s'engager dans l'armée israélienne en tant que volontaires,
tout en ne résidant pas en Israël et en n'ayant pas la
nationalité israélienne.
Ces deux possibilités sont offertes aux citoyennes et
citoyens du monde entier mais il faut noter le nombre très
important de Françaises et de Français servant dans l'armée
israélienne au titre de leur service militaire :
plus de 4 000 soldats représentant plus de 2 %
du total des effectifs de l'armée d'occupation, soit la
deuxième nationalité étrangère la plus représentée (sources
Libération du 19/07/2018, site de Tsahal, Wikipedia, blog de
Johann Elbory dans Mediapart 20/07/2014
citant relais Tsahal
et réseaux sociaux). Certains d'entre eux deviennent membres
de l'armée de métier.
L'armée israélienne a besoin de ces forces que représentent
ces effectifs dans le cadre du service militaire. Elle affecte
donc de gros moyens au recrutement de volontaires venus du monde
entier (qui n'adoptent pas systématiquement la nationalité israélienne)
notamment par l'organisation de « stages » préparatoires.
Chaque année près de 1 000 Français de 16 à 18 ans,
ayant au moins un grand parent de confession juive, passent ainsi
quelques semaines en Israël sur une base militaire dans le cadre
de stages divers (plus de 40 000 volontaires français dans le cadre de
ces programmes d'appui à l'armée, organisés depuis 1983).
Parmi les programmes de volontariat pour les citoyens étrangers
reconnus comme « juifs » par l'Etat d'Israël et qui
souhaitent s'engager aux côtés de l'armée israélienne il faut
citer en particulier :
-
Le programme Marva court de quelques semaines pour « connaître et expérimenter
la vie dans une base militaire et plus généralement la vie
en Israël ».
-
Le programme international Mahal, proposé aux jeunes de 18 à 23 ans venus du monde entier
pour servir dans des unités actives (à l'exclusion des
troupes d'élite) d'une durée de 14 à 18 mois (pour mémoire
500 Français étaient inscrits dans ce programme au moment de
l'opération israélienne contre la bande de Gaza en 2014 et
l'un d'eux - Jordan Bensemhoun - y a été tué).
-
Les programmes divers : stage pour les jeunes juifs religieux, stage
combinant études universitaires
et 14 mois de service dans Tsahal, programme pour jeunes juifs
sionistes qui viennent en Israël dans le but de servir l'armée
avec entraînement psychologique et physique au service
militaire proprement dit, programme Atouda pour étudiants,
etc …
La surreprésentation de citoyens français et américains
dans ces programmes est à noter : en
2015 43 % des volontaires étaient français et ils ne sont pas
absents des unités combattantes ( blog franco - israélien
Coolamnews...).
La France est régulièrement mentionnée comme l'un des
pays fournissant le plus de volontaires pour
ces stages (selon
i24 News, chaîne d'information en continu israélienne,
l'armée israélienne comptait 3 384 volontaires étrangers en
2014, dont 70 % de garçons -
sources sites des associations citées, répertoire national
des associations, Streeetpress et article C.C Garnier 03/03/2020,
Middle East Eye édition française, Le Nouvel Obs, questions écrites
des députés J.J Candelier et Pouria Amirshahi sur les
poursuites éventuelles de « ces jeunes qui alimentent les
tensions entre les peuples et importent un conflit qui met en
danger l'unité nationale »).
Ces
associations qui participent activement en France au recrutement,
à la promotion et au financement de l'armée d'Israël :
Recrutement :
des associations et organismes français ou basés en France
organisent directement des séjours et stages d'immersion, de
formation et de recrutement pour l'armée d'occupation (entre
autres l'association YANIV , domiciliée au Chesnay (78), SAR-EL,
domiciliée à Paris ; sur le site de SAR-EL, on
peut lire « SAR-EL est représenté dans 50 pays et les
branches les plus importantes sont SAR-EL France, V.F.I.
Aux États-Unis et SAR-EL Israël. »).
Promotion :
ces organismes et associations présentent les activités de l'armée
et des soldats qui la servent sous un jour idyllique visant à
faire oublier la nature répressive de cette armée et les crimes
qu'elle commet envers la population palestinienne.
Financement :
ces organismes et associations procèdent à des appels aux dons
pour aider au financement de l'armée d'occupation, en
particulier, grâce à leur site internet. Ces appels aux dons
sont prévus par la réglementation
française qui prévoit des avantages fiscaux pour les
contribuables français faisant des dons à des « organismes
d'intérêt général » (on peut rappeler la question écrite
du 10 mars 2016 de la sénatrice Goulet sur ce sujet qui n'a pas
reçu de réponse du gouvernement.).
Ces
citoyens franco-israéliens (voire français) servant dans l'armée
d'occupation sont susceptibles de se rendre coupables de crimes de
guerre
Deux cas documentés
à rappeler :
-
En 2015 une soldate franco - israélienne, Alison Bresson,
a abattu à un check point près de Naplouse une Palestinienne
et en a blessé une seconde. Elle a bénéficié d'une
invitation officielle du gouvernement israélien lors
de la fête nationale israélienne.
-
En 2016, le franco-israélien Elor Azaria a abattu et
achevé à terre un Palestinien de 21
ans. Condamné par les tribunaux israéliens, il a été
libéré après 9 mois de détention et bénéficie désormais
d'un statut de quasi héros national en Israël. Il est devenu
un « conseil officieux » pour nombre de militaires
servant dans les Territoires et a déposé en juin 2020 une
demande de reconnaissance comme handicapé pour des séquelles
psychologiques (sources Middle East Eye édition française
février 2017 et 26/11/2020, The Times of Israël même date).
Il est plus que probable que bien d'autres citoyennes et citoyens français
servant dans l'armée d'occupation soient impliqués dans les
exactions que subit la population
palestinienne : actions militaires aux côtés des colons les plus
violents, démolitions de maisons, représailles collectives,
arrestations et mauvais traitements d'enfants, opérations
militaires contre Gaza avec des centaines de victimes civiles lors
des dernières marches du retour, ...
Le Times of Israël cite ainsi, dans le cadre d'un fait
divers récent, le cas d'un militaire franco - israélien (Samuel
Amoyal) ayant servi dans l'unité Tomer de la brigade Givati ;
ces unités ne sont pas engagées dans des opérations pacifiques
contre les populations palestiniennes.
Pire: l’exemple récent du bataillon israélien « Netzah
Yehuda », cité dans le contexte de la mort d’un vieillard
palestinien de 80 ans est un exemple de ces milices qui semblent
se multiplier en Territoires occupés.
A quel degré peuvent être impliqués nos compatriotes
dans les actions militaires de protection directe de colons extrémistes
se livrant à des exactions contre des Palestiniens ?
Dans les missions de l'AFPS en Palestine il est fréquent
d'entendre des soldats parler un français parfait, aux contrôles
de checks points ou sur les barrages établis à Hébron par
exemple.
Plus généralement, aucune garantie n'est donnée, à ce
jour, par les autorités françaises concernant le fait que des
volontaires binationaux ou citoyens français, ne participent pas
à de tels actes, ne servent pas dans les Territoires occupés en
contravention avec toutes les dispositions du droit international,
ne sont pas impliqués dans des opérations, sous uniforme israélien,
pouvant relever de crimes de guerre.
Le silence assourdissant de nos autorités gouvernementales
ne doit pas masquer le fait que depuis 2014 les interpellations de
nos parlementaires sur ces sujets soient rarissimes.
Il faut aussi que soient poursuivis pénalement des cas avérés
et documentés de crimes de guerre, voire de crimes contre
l'humanité, de citoyens français ou binationaux servant dans
l'armée d'occupation !
La Cour Pénale Internationale (CPI) : dans le cadre de l'enquête sur « la situation dans
l'État de Palestine » ouverte le 3 Mars 2021 par sa
Procureure, la Cour Pénale Internationale pourrait avoir à connaître
de certains cas mettant en jeu la responsabilité de militaires
binationaux ou français. Conformément au Statut de Rome,
ces militaires pourraient être poursuivis pour crimes de
guerre ou crimes contre l'humanité, s'ils ont été formellement
identifiés et s'ils n'ont pas déjà été condamnés par la
justice du pays sur le territoire duquel les crimes ont été
commis.
La Justice française : la disposition nommée « compétence universelle »
doit permettre aux juridictions d'un État de poursuivre les
auteurs étrangers de crimes de guerre commis sur le territoire
d'un autre État. Ces dispositions concernent donc d'abord des
acteurs israéliens, mais leur portée juridique, quant aux double
nationaux, devra être précisée. De même devront être précisées
les possibilités de poursuites dans le cadre des dispositions en
vigueur du code de procédure pénale français pour des crimes
commis à l'étranger par des Français dans ce cadre particulier.
En France les procédures pour crimes de tortures,
traitements cruels inhumains et dégradants, tels
que prévus par la Convention internationale de New York de
1984, pourraient également
présenter des chances d'aboutir dans le cadre précis des procédures
spécifiques applicables à ces crimes.
Les conditions de mobilisation de la Convention
internationale sur l'élimination du crime d'apartheid, la
Convention européenne pour la répression du terrorisme,
devraient être précisées dans le contexte d’actes pouvant
relever du crime de guerre.
Le recours à ces procédures complexes est certes complexe
et aléatoire.
Il dépendra évidemment du niveau de responsabilité des
individus poursuivis, de la fiabilité des témoignages et
constats enregistrés, alors que
les pressions politiques pour les bloquer sont et seront très
fortes.
D'ores et déjà nous devons exiger toute la lumière des
autorités françaises sur ces participations de beaucoup de nos
concitoyens en uniforme israélien à des actions pouvant relever
de crimes de guerre, relever leur importance quantitative, leurs localisations.
Nous devons faire savoir et dénoncer ces participations,
pour élargir la mobilisation de nos
parlementaires, de notre opinion publique.
Nous devons développer nos partenariats et actions
conjointes avec les associations et ONG spécialisées présentes
sur le terrain, en particulier ces organisations israéliennes
qui dénoncent les agissements criminels de l'armée israélienne
contre la population palestinienne.
Ces volets de droit pénal international ou simplement national de notre
combat pour le peuple palestinien sont trop souvent négligé.
La simple menace de possibilité documentée de poursuites
relevant du droit pénal international ou de notre propre droit pénal
aurait pourtant un effet considérable.
Lever le tabou sur ces questions est un axe de travail majeur !
Christian
Rubechi
avec
le soutien de AFPS ALSACE
(*de
nombreuses références de ce texte sont
tirées
du document distribué aux congressistes lors du dernier congrès
national de l'AFPS).
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