Résumé Dès
sa fondation, l'Etat d'Israël a conçu un système juridique
et une planification de l’espace sous son contrôle lui
permettant de légaliser l'accaparement de terres anciennement
peuplées de Palestiniens devenus réfugiés en 1948 et en
1967, de même que d'espaces encore habités ou détenus par
des Palestiniens. La
requalification de l’espace par la planification et
l'élaboration d'un corpus juridique régissant le foncier
lié à un éventail de procédures complexes sont autant de
dispositifs de pouvoir utilisés par les Etats modernes et les
empires coloniaux des XIXe et XXe siècles afin de
rationaliser et de légitimer par le droit des politiques de
dépossession et d'expropriation massives. Les
autorités israéliennes se sont ainsi réappropriés
localement ces outils de contrôle aux dépens des
Palestiniens, qui ont pour effet de masquer la violence et
l'arbitraire des dépossessions, tout en garantissant à
Israël l'image d'un Etat de droit. L’appropriation de
terres et le cantonnement des Palestiniens, de part et d’autre
de la ligne verte, continue de s’appuyer sur un usage
conjoint du droit foncier et du cadastrage des territoires
placés sous contrôle israélien, par l’importation et l’adaptation
locale de techniques de gouvernement postmodernes et
néo-libérales globalisés, qu’Israël participe à faire
évoluer. A
cette réappropriation de pratiques hégémoniques correspond
celle de pratiques contre- hégémoniques elles-mêmes
produite au niveau globale. Cette communication interroge les
usages militants du droit et de l’urbanisme dans un contexte
marqué par le morcellement territorial et statutaire des
Palestiniens. Selon
les espaces considérés, et les régimes juridiques dans
lesquels se trouvent les populations concernées, les droits
des Palestiniens et leurs possibilités de défense devant les
autorités israéliennes sont à géométrie variable. Il
s'agira ici de comprendre quels sont les outils dont disposent
les Palestiniens dans ces différents contextes, et d'analyser
comment ces outils sont utilisés, par qui, et à quelle fin. Des
mobilisations à base locale se sont constituées dans des
territoires différenciés et fragmentés, et s'articulent
autour de réseaux d'acteurs palestiniens, israéliens, et
internationaux. Ils mobilisent à la fois le droit
international et le droit israélien, par l'utilisation de
l'ensemble des recours disponibles selon les zones
considérées : Cours suprême (ensemble des zones), tribunaux
militaires (zones B et C), tribunaux civils et municipalités
(Israël et Jérusalem-Est), municipalités et parlement
(Israël). Les
modalités d'interactions entre acteurs internationaux,
israéliens et palestiniens sont elles-mêmes à géométrie
variable selon les espaces considérés. Ainsi, nous
chercherons à montrer en quoi cette fragmentation statutaire
et territoriale influe sur les manières de dire le droit, de
même que sur les perceptions des enjeux et des objectifs
politiques qui entrent tension (droits civiques, droit au
logement, droit à l'autodétermination, droit international
et israélien, rapport à l'État d'Israël, et rapport à
l'Autorité Palestinienne). Il
s’agira ici d’être attentif aux effets ambivalents de l’importation
de pratiques et de discours contestataires globalisés face à
l’aménagement néo-libéral de l’espace (plaidoyer,
planifications alternative, droit à la ville), dans le
contexte palestinien (place du colonial). Cette problématique
sera illustré ici par une comparaison entre deux espaces où
nous avons enquêté : Jaffa, où réside une importante
minorité de Palestiniens citoyens d’Israël, et
Jérusalem-Est, comprise comme une agglomération fragmentée,
et non selon les limites imposées de la municipalité
israélienne de Jérusalem. |