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Documents et Analyses

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L'usage du droit foncier par l'Etat d'Israël comme arme d'appropriation de l'espace Palestinien.

Quelle comparaison avec l'Algérie Coloniale ?

31/08/22

Baptiste Sellier

   

   

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Résumé

Dès sa fondation, l'Etat d'Israël a conçu un système juridique et une planification de l’espace sous son contrôle lui permettant de légaliser l'accaparement de terres anciennement peuplées de Palestiniens devenus réfugiés en 1948 et en 1967, de même que d'espaces encore habités ou détenus par des Palestiniens.

La requalification de l’espace par la planification et l'élaboration d'un corpus juridique régissant le foncier lié à un éventail de procédures complexes sont autant de dispositifs de pouvoir utilisés par les Etats modernes et les empires coloniaux des XIXe et XXe siècles afin de rationaliser et de légitimer par le droit des politiques de dépossession et d'expropriation massives.

Les autorités israéliennes se sont ainsi réappropriés localement ces outils de contrôle aux dépens des Palestiniens, qui ont pour effet de masquer la violence et l'arbitraire des dépossessions, tout en garantissant à Israël l'image d'un Etat de droit. L’appropriation de terres et le cantonnement des Palestiniens, de part et d’autre de la ligne verte, continue de s’appuyer sur un usage conjoint du droit foncier et du cadastrage des territoires placés sous contrôle israélien, par l’importation et l’adaptation locale de techniques de gouvernement postmodernes et néo-libérales globalisés, qu’Israël participe à faire évoluer.

A cette réappropriation de pratiques hégémoniques correspond celle de pratiques contre- hégémoniques elles-mêmes produite au niveau globale. Cette communication interroge les usages militants du droit et de l’urbanisme dans un contexte marqué par le morcellement territorial et statutaire des Palestiniens.

Selon les espaces considérés, et les régimes juridiques dans lesquels se trouvent les populations concernées, les droits des Palestiniens et leurs possibilités de défense devant les autorités israéliennes sont à géométrie variable. Il s'agira ici de comprendre quels sont les outils dont disposent les Palestiniens dans ces différents contextes, et d'analyser comment ces outils sont utilisés, par qui, et à quelle fin.

Des mobilisations à base locale se sont constituées dans des territoires différenciés et fragmentés, et s'articulent autour de réseaux d'acteurs palestiniens, israéliens, et internationaux. Ils mobilisent à la fois le droit international et le droit israélien, par l'utilisation de l'ensemble des recours disponibles selon les zones considérées : Cours suprême (ensemble des zones), tribunaux militaires (zones B et C), tribunaux civils et municipalités (Israël et Jérusalem-Est), municipalités et parlement (Israël).

Les modalités d'interactions entre acteurs internationaux, israéliens et palestiniens sont elles-mêmes à géométrie variable selon les espaces considérés. Ainsi, nous chercherons à montrer en quoi cette fragmentation statutaire et territoriale influe sur les manières de dire le droit, de même que sur les perceptions des enjeux et des objectifs politiques qui entrent tension (droits civiques, droit au logement, droit à l'autodétermination, droit international et israélien, rapport à l'État d'Israël, et rapport à l'Autorité Palestinienne).

Il s’agira ici d’être attentif aux effets ambivalents de l’importation de pratiques et de discours contestataires globalisés face à l’aménagement néo-libéral de l’espace (plaidoyer, planifications alternative, droit à la ville), dans le contexte palestinien (place du colonial). Cette problématique sera illustré ici par une comparaison entre deux espaces où nous avons enquêté : Jaffa, où réside une importante minorité de Palestiniens citoyens d’Israël, et Jérusalem-Est, comprise comme une agglomération fragmentée, et non selon les limites imposées de la municipalité israélienne de Jérusalem.